La Finlande,
Un contrôle strict
KANKAANPÄÄ - 16 NOVEMBRE 2017
Kankaanpää est une petite ville d'un peu plus de 11 000 habitants, éloignée d'Helsinki, à environ 280 km. Cette ville nous confronte à un nouveau cas de figure, un centre de demandeurs d'asile géré par une entreprise privée, Medivida. Outre la gestion de 3 autres centres de demandeurs d'asile, cette entreprise intervient dans le secteur médico-social (assistance médicale d'urgence et soins dentaires).
Le centre qui y est implanté est une structure d'attente qui prend place dans les anciens logements d'une caserne militaire. Après avoir été fermés durant de nombreuses années, ces appartements deviennent centre d'accueil en novembre 2015. La société Medivida n'est pas elle-même propriétaire de ces locaux, elle les loue à d'autres entreprises.
Ce centre emploie de 10 à 11 salariés, dont deux infirmières et un travailleur social, il est composé de trois bâtiments, deux en bois, construits dans les années quarante et cinquante, typiques de la Finlande, et 1 en béton, le dernier a avoir intégré le parc de logements du centre ; au total, 21 appartements, deux pièces, cuisine, toilettes, salle-de-bain. Outre ces logements, ce centre comprend des bâtiments administratifs avec salle de réunion.
Au moment de notre visite, 120 personnes sont accueillies, exclusivement des familles, 80 deux années auparavant. Parmi ces 120 personnes, 70 enfants dont cinq ont 3 ans, six ont 3 mois, certains sont nés en Finlande. Notre interlocuteur nous apprend que ces enfants reçoivent la nationalité de leur maman. Ces personnes viennent de trois pays : Syrie, Irak, Afghanistan.
Cette structure d'accueil est située en zone rurale, ses résidents sont placés en « immersion » totale et permanente au sein de la société finlandaise, avec une grande proximité, voire promiscuité.
Les liaisons avec le centre ville ne sont pas très fréquentes. Une fois par semaine, un bus affrété par le centre emmène en ville durant trois heures tous ceux qui le souhaitent. Outre cela, la liaison est également assurée par des bus locaux. Comme dans tous les lieux visités précédemment, les résidents disposent aussi de vélo, selon notre interlocuteur, certains pensionnaires ont noué des liens avec des Finlandais véhiculés qui peuvent ainsi de temps à autre les conduire en ville.
Les liens avec les locaux se tissent en de multiples occasions. Considérant le nombre d'enfants présents dans le centre, l'école et le jardin d'enfants sont des lieux créant de nombreuses occasions de rencontres entre Finlandais et demandeurs d'asile. Le personnel de la structure organise également chaque année une fête du nouvel an. Ce centre d'accueil est assez loin de Kankaanpää, le commerce le plus proche est une petite boutique isolée qui ainsi devient un lieu où locaux et « migrants » peuvent se croiser.
En dehors de ces « croisements » au cours d’événements « quotidiens », les relations entre les demandeurs d'asile et les riverains sont complexes.
Avant l'ouverture du centre, un bâtiment destiné à accueillir des demandeurs d'asile a été incendié, complètement détruit. Après cela, plus aucun acte malveillant n'a été commis, la majorité des gens accepte désormais ce centre. Cependant, le directeur évoque une certaine méfiance des autochtones à l'égard des résidents du centre. Plusieurs faits ont, ou alimentent encore, une certaine défiance, l'agitation des partis politiques locaux, des faits divers, une agression au couteau à Turku (le 18 août 2017, un homme agresse 10 personnes au couteau, faisant deux morts et huit blessés, cet homme s'est avéré être un demandeur d'asile).
Par ailleurs, une fois par mois, l'équipe du centre se réunit avec la police et l'accès de possibles visiteurs au sein de cette structure est un peu plus contrôlé, nos pièces d'identité ont ainsi été photocopiées et archivées.
Ce centre nous a donné l'impression d'être plus humain que celui de Joutseno. Mais nos opinions ne sont pas pour autant tout à fait les mêmes, tantôt perçu comme implanté au milieu d'une communauté rurale, proche d'un cadre naturel agréable, et pas si éloigné de la ville que cela, tantôt comme un centre dirigé avec humanité mais dont la proximité du voisinage et de la caserne militaire peuvent s'avérer gênante ou oppressante. Sur les 2h, 2h30 que nous avons passées en extérieur, en prise de vue, nous avons entendu plusieurs tirs d’entraînement, d'artillerie vraisemblablement ; entendre ces détonations ne doit pas être particulièrement rassérénant lorsque l'on a fui un pays en guerre.